8 mars : La société doit changer, et moi d’abord!
J’ai compté.
La semaine dernière, j’ai travaillé 41 heures.
Tu sais comment je le sais ?
Parce que j’ai compté !
J’ai compté parce qu’une de mes petites voix les moins sympas ne cesse de me répéter que je ne travaille pas assez. Que je ne fais pas suffisamment d’efforts, et que je ne mérite pas ce qui m’arrive. Alors pour contrer la voix, j’ai décidé de compter chaque minute passée à travailler. C’est un décompte un peu bancal parce que souvent je travaille 5 minutes par-ci et 1 heure par-là. Mais à la fin des 7 jours, ça donne 41 heures de travail.
On parlera des méthodes pour booster son estime de soi une prochaine fois. Pour l’heure, le résultat de mes calculs m’a amenée à des réflexions très en adéquation avec cette journée du 8 mars.
Dis-moi combien tu travailles.
41 heures, ça fait des journées de 8 heures.
Ça passe.
Sauf que…
- Je n’ai pas travaillé mercredi après-midi, parce que c’est la journée des enfants.
- J’ai les ai récupérés à 17H lundi et mardi. (8H30-17H)
- Ils ne sont pas allés à la cantine mardi et vendredi. (8H30-11H30/13H30-17H)
- Et tous les jours, bien sûr, j’ai lu des histoires, câliné, écouté, rigolé, partagé, joué (c’est la partie sympa), et puis j’ai fait à manger, du ménage, les courses, le taxi, beaucoup de rangement (mais ça ne se voit pas), les devoirs, des douches, de la médiation, et combien de machiiiiiiiiines ???!!! (C’est la partie moins sympa).
La semaine dernière, comme toutes les semaines, j’ai fait tout ça. C’est bien plus que ma seule part.
Et j’ai travaillé 41 heures, aussi.
Alors, pour que ça passe, j’ai bossé tard le soir, et surtout très très tôt le matin. J’ai ajouté des minutes, comme j’ai pu, à mes journées. Ce n’est pas une solution pérenne, j’en ai conscience.
M’enfin, d’où ça vient, ça?
Je sais bien ce que tu te dis, et je t’arrête tout de suite : je n’ai pas reçu une éducation conservatrice.
C’est mon père qui fait la cuisine, les courses, et pas mal de ménage. On le sait, parce que, comme tout homme qui se respecte, il passe son temps à faire la liste de tout ce qu’il a fait pour qu’on le félicite. (Que serait une newsletter féministe sans une petite pique sexiste, je te le demande ? ?) (N’empêche, ose dire que c’est faux ! ?)
Et je n’ai pas non plus épousé un monstre : mon mari n’est pas un macho, il n’est même pas contre le partage des tâches. Il fait, pas encore assez, et rarement sans me demander avant quoi ou comment faire, mais il fait.
Alors où est le problème?
Si cela ne me vient pas de mon éducation, alors c’est ancré bien plus profond, non ?
C’est en tout cas ce que je crois : en tant que femme, la société nous pousse à grandir dans l’idée que nous devons gérer, sur tous les plans.
Au fond de moi, il y a cette voix qui me dit que je dois assurer.
Assurer pour le boulot, assurer pour les enfants, assurer pour tout.
Bien sûr que je peux travailler, bien sûr que j’ai les moyens de relever tous les défis !
Mais sans faire aucune impasse.
Je dois continuer à tenir la maison, je dois faire faire les devoirs, je dois cuisiner maison, bio et zéro déchet, je dois prendre soin de moi, et prendre soin des autres.
Je dois adapter ma vie pour que mes enfants ne souffrent pas (trop) de leurs profils particuliers.
Sans m’oublier au passage.
Et si ça ne se passe pas bien, alors c’est simplement que je n’ai pas fait assez.
Les parents sont-ils des mamans ?
Tu te dis peut-être que je suis gentille, mais que partir du principe que mon cas est une généralité, c’est un peu limite. Soit.
Sauf que je SAIS que je ne suis pas la seule.
Parce que les parents qui font appel à moi pour trouver une solution aux difficultés de leurs enfants, ce sont des femmes. Exclusivement des femmes.
Cela ne veut pas dire que les papas ne sont pas là. Ils sont là, ils font leur part. Mais quand ça se corse, quand ça s’envenime… c’est maman qui gère. C’est maman qui porte la responsabilité de la sérénité familiale, de l’épanouissement de l’enfant.
Et c’est maman qui craque.
Si je ne le fais pas, ça se fera!
Alors oui, je veux que la société change.
Je veux l’équité.
Je me sens d’autant plus investie d’une mission que j’élève deux garçons.
Mais je sais que pour cela je dois commencer par changer, moi.
Parce que, oui, c’est vrai, j’ai peut-être la fâcheuse habitude de penser que si je ne le fais pas, ce ne sera pas (bien) fait.
J’ai du mal à demander de l’aide, je ne sais pas déléguer, je ne partage pas ma charge mentale, et, pire que tout, je crois qu’au fond, je pense que c’est à moi de le faire, que c’est mon rôle.
Je ne dis pas que les Hommes n’ont rien à faire, et que tout repose, encore une fois, sur les épaules des Femmes. Je dis juste que le premier pas, il m’incombe.
La prise de conscience m’incombe.
Le fait de davantage communiquer sur ce poids qui me pèse m’incombe.
Même si C’EST LOURD de devoir expliquer quoi, quand et comment faire à mon mari alors que moi, personne ne m’explique ! C’est vrai, personne ne m’explique, mais moi, j’ai grandi avec ça, et pas lui, alors c’est normal que je doive à présent lui enseigner.
Car si je veux que la société change, alors je dois changer d’abord.
Et je sais qu’en disant ça, je m’impose encore quelque chose de plus, je me fais porter une responsabilité supplémentaire. A moi, la femme.
Mais sans cela, rien ne changera, tu ne crois pas ?
Psssssst, au fait : c’est PAS la journée de la femme, c’est la journée DE LUTTE POUR LES DROITS DES FEMMES, garde tes roses et fais ta part. Merci.
Aujourd’hui est un jour parfait pour découvrir ou réécouter la formidable réécriture de Kid, d’Eddy de Pretto :
Kid, Barbara Pravi.
Cet article est la newsletter EduSens du 08/03/2021. Si tu as aimé et que tu veux recevoir les prochaines newsletters, envoie-moi ton adresse mail!