Le roman qui t’explique « Comment ne pas devenir cinglée »

String girls forever, Comment ne pas devenir cinglée, d’Holly Bourne : un très chouette roman qui te plonge dans l’univers d’Evie, une ado qui jongle entre ses amies, ses coups de cœur, ses convictions féministes… et ses TOC.

Abécédaire des maladies mentales.

Premier cours de socio dans son nouveau lycée : Evie rencontre Ethan. Avec ses yeux de « furet sexy », il lui plait tout de suite, ce qui paraît étrange à la lectrice que je suis, mais passons. Il lui plait, et ils engagent la conversation. Ou plutôt, Ethan l’engage, et Evie est troublée. Sans doute est-ce pour cela qu’ils en viennent à se livrer à un petit jeu : chercher le nom et les caractéristiques d’une maladie mentale à faire découvrir à l’autre, à chaque début de cours de socio.

Ce qu’Ethan ne sait pas, c’est qu’Evie en connaît plus qu’un rayon sur la question. En effet, si elle est d’autant plus heureuse de faire sa rentrée dans un lycée où personne ne la connaît, c’est qu’elle n’a pas du tout envie d’être cataloguée comme « la fille qui a pété les plombs ». Elle a dû être internée car elle souffre de TOC, et si elle est en bonne voie vers la guérison, l’équilibre est encore fragile.

Adolescence, maladie mentale et féminisme.

Le roman commence donc avec la rencontre d’Ethan et d’Evie, et les efforts de cette dernière pour retrouver une vie d’ado normale… Si tant est que la vie d’une adolescente soit normale ! Pas facile de gérer les relations distendues avec sa meilleure amie d’enfance qui semble avoir offert son libre arbitre au garçon dont elle est tombée follement amoureuse, les premiers émois amoureux, ou encore la trop lente guérison. Car Evie doit jongler entre le lycée et les séances chez Sarah sa psy, ainsi que ses traitements et son journal de guérison. C’est difficile, parce que, par dessus tout, elle souhaite que personne n’apprenne qu’elle est malade, surtout pas Lottie et Amber, ses deux nouvelles grandes amies, avec qui elle a fondé « Les vieilles filles », un club féministe. C’est sûr que quand on parle de maladie mentale, il y a matière à parler également de féminisme ! (L’hystérie, forcément féminine, ça te dit quelque chose ? Eh bien ce n’est que la partie visible de l’iceberg !)

Mon avis, pour te servir !

Je les lis visiblement dans le désordre (j’avais déjà lu le tome « Comment arrêter de se faire emmerder »), mais peu importe, cet autre tome de la trilogie Strong girls forever m’a beaucoup plu ! C’est toujours aussi agréable à lire, intelligent, drôle et marquant. Accompagner Evie dans son quotidien, c’est la suivre aussi bien dans ses histoires de cœur, d’amitié, de lutte féministe, mais aussi dans sa lutte contre la maladie, jusqu’à la rechute.

Vraiment, je le redis, c’est découverte, au détour d’un rayon de la médiathèque, est un coup de cœur ! On lit un bon roman avec prise de conscience gratuite sur la maladie mentale ET le féminisme, sans que ce soit trop lourd. Bon, allez, j’avoue, certains passages sont un peu didactiques, tant l’autrice explicite son message. Mais rien qui te fera refermer le livre prématurément.  

Et puisque c’est comme ça, je t’offre un extrait!

Extrait inspirant.

« Le truc que je déteste le plus quand on parle de maladie mentale.
Je ne suis pas quelqu’un de colérique. […] Sauf sur un sujet.
Sarah m’a parlé de l’époque « moyenâgeuse » où le grand public ne connaissait pas grand-chose aux troubles mentaux. Et où le peu qu’il croyait était faux. Il y avait des tas de RUMEURS et de PREJUGES, c’était l’enfer, les malades souffraient en silence pendant des années sans savoir ce qui leur arriver et sans oser demander de l’aide, puisqu’ils ne comprenaient ni ce que leur cerveau faisait, ni pourquoi.

Et puis, un beau jour, le monde a décidé qu’il était temps de CHANGER DE REGARD sur la maladie mentale. De vastes campagnes de sensibilisation ont été organisées. Des scénaristes ont introduit des personnages dépressifs dans les séries télé. […] Les gens ont commencé à mémoriser les noms des différentes pathologies. A comprendre les différents symptômes. A prononcer la phrase clé : « Ce n’est pas sa faute. » A faire preuve de COMPASSION et de DISCERNEMENT. Des hommes politiques et des célébrités ont fait leur « coming-out », pourrait-on dire, évoquant ouvertement dans la presse nationale leurs tentatives de suicide, etc.

Mais bien sûr, ça ne s’est pas arrêté là.

Je pense pouvoir affirmer que les choses sont allées trop loin dans l’autre sens. Désormais, les troubles mentaux sont devenus mainstream. Et si cela a eu des conséquences positives pour des gens comme moi, qui bénéficie de thérapies adaptées, les conséquences négatives sont tout aussi nombreuses.

On utilise maintenant le terme de TOC pour décrire la moindre manie. « Hum, j’aime que mes stylos soient bien alignés. J’ai un TOC. »
ABSOLUMENT PAS.

« Oh là là, je suis trop stressé par mon exposé, je fais une crise d’angoisse. »
RIEN A VOIR.

« Je suis hyper lunatique aujourd’hui, je dois devenir bipolaire. »
LA FERME, CRETIN.

Je vous avais prévenus, ça me met hors de moi.
Des mots comme « TOC » ou « bipolaire » ne devraient pas s’employer à la légère. […]

Le trouble bipolaire peut tuer, vous savez. Certains malades se jettent sous un train ou avalent des flacons de paracétamol […] parce que leurs cerveaux tyranniques ne leur laissent pas une minute de répit et qu’ils n’ont plus la force de vivre.

Le cancer tue aussi.
Et je n’entends personne dire : « Oh là là, j’ai super mal à la tête aujourd’hui, je dois avoir une tumeur ».
Alors qu’apparemment, ça ne pose problème à personne de tourner en dérision le vocabulaire de l’enfer intérieur. […]

La maladie mentale est un monstre qui vous attrape par la jambe et vous avale malgré vos hurlements. Elle vous rend égoïste. Elle vous rend irrationnel. Elle vous rend autocentré. Elle vous rend exigeant. Elle vous fait annuler vos projets à la dernière minute. Elle vous rend ennuyeux. Elle vous rend épuisant à côtoyer.

Et ce n’est pas parce que les gens maîtrisent deux ou trois mots de vocabulaire qu’ils supportent mieux la réalité que ceux-ci recouvrent. Ils sourient, ils hochent la tête, ils disent : « Oh oui, c’est terrible, j’ai vu un reportage sur ça l’autre jour, ma pauvre… » Et ensuite, ils se vexent parce qu’on a fait une crise de panique pendant une soirée et qu’on a dû partir tôt. En dépit de leurs […] « Tu peux compter sur moi », dès qu’on a vraiment besoin de leur compréhension, ils retombent tous dans les mêmes travers. « Quand même, fais un effort » ; « Tu exagères ! » ; « Mais ça n’a aucun sens ! ».
Voilà pourquoi je ne pouvais pas en parler à Lottie et à Amber.
Voilà pourquoi je devais garder tout ça pour moi. »

Strong girls forever, Comment ne pas devenir cinglée, Holly Bourne, Nathan, 2019.

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