Si on passait le bac comme on passe le permis de conduire.
Parlons du bac, c’est de saison!
Il y a quelques semaines, j’ai animé des ateliers « Apprendre à apprendre » auprès de tous les élèves de 1ère d’un lycée pro.
Prévenue (pour l’avoir testé !) qu’il s’agissait d’un public un peu difficile, je me suis tourneboulé le cerveau pour trouver un moyen de les intéresser au sujet… et j’ai eu une idée qui a fonctionné au-delà de mes espérances !
Je ne saurais te rapporter exactement le cheminement de mes pensées, mais j’ai finalement réalisé qu’il y a UN examen que même (et surtout) les lycéens de 1ère pro pas scolaires et réfractaires s’acharneront à passer quoi qu’il leur en coûte de temps, d’énergie et de travail : c’est le permis de conduire. Et avant cela, ils plancheront donc sur sa partie théorique : le code.
En creusant le fruit de ma réflexion (intervenue, comme toutes les bonnes idées, sous la douche, évidemment (et si ce n’est pas sous la douche, c’est aux toilettes)), j’ai réalisé à quel point passer le code remplissait avec brio les différentes conditions pour apprendre efficacement.
Et c’est ce que je me suis proposé de faire comprendre aux lycéens.
Je peux vous poser une question?
J’ai commencé par quelques questions pour sonder la foule :
- Qui veut avoir son code?
- Qui passera le code, peu importe le nombre de fois qu’il faut pour l’obtenir?
- Qui a déjà le code? le permis?
Visiblement mal renseignés, les groupes qui se sont succédés pensaient assister à un cours d’éducation sexuelle… autant dire que ce sondage les laissa à chaque fois un peu sceptiques. Ils se plièrent toutefois de bonne grâce à cet interrogatoire, qui s’achevait par la fameuse question :
- Quelle est la différence entre le code et le bac ?
Le code est un bac comme les autres.
Finalement, si on y réfléchit, le code est un examen comme les autres… mais aux yeux des ados il y a bien des différences entre passer son bac et passer son code :
- La motivation, l’envie d’obtenir le code est bien plus forte. (Si tu as grandi dans un coin reculé de campagne, je n’ai pas besoin de t’expliquer pourquoi…)
- Apprendre son code est plus ludique, plus amusant, et les outils proposés sont plus variés aussi : on peut lire le livre acheté par maman (oui ils m’ont dit ça, avec leur grosse voix de dur), utiliser l’appli, aller s’entraîner à l’école de conduite…
- La façon d’apprendre : c’est moins long, on travaille souvent mais pas trop longtemps.
Le rapport à l’erreur n’est pas le même : « Par exemple si j’ai 25 fautes la première fois, ça me donne juste envie de recommencer pour avoir moins de fautes. C’est comme un défi. »
Cette explication est revenue dans chacun des groupes, et me met en joie, car c’est justement là aussi que je veux en venir. Alors, invariablement, j’ai demandé ce que ça veut dire si tu rates ton code : «Bah, que quand je vais réessayer je ferai mieux». Et comme malgré mes très gros sabots, ils ne me voyaient pas venir, je posai alors la question qui tue: «mais alors si tu as 25 fautes à un exo de maths, c’est la même chose ?»
Gros blanc.
Cela, madame, monsieur, c’est ce que l’on appelle le mindset ou état d’esprit, qui oriente notre réaction face à l’erreur, ou l’échec, si on veut appeler ça comme ça. Leur façon d’aborder les erreurs au code, c’est ce qu’on appelle l’état d’esprit de développement. L’erreur n’est pas vue comme un échec définitif, preuve qu’on est nul.le, mais plutôt comme une opportunité d’apprentissage. Au contraire, la façon d’aborder l’erreur en maths renvoie à un état d’esprit fixe : échouer prouve dans ce cas l’absence de talent.
Loin de moi l’idée de me moquer, je ne vais pas te dire que je suis pleine de foi en ma capacité à progresser en maths! Mais tu vois, cette confiance dans le fait qu’une erreur c’est un défi à relever, c’est EXACTEMENT ce qu’il faudrait que les élèves (et les adultes!) puissent nourrir pour ne pas baisser les bras !
Dis-moi comment tu passes ton code, je te dirai comment on apprend.
Joie et bonheur, avec chacun des groupes nous avons pu arriver au même constat, celui-là même que vers lequel j’espérais arriver alors que je me savonnais allégrement sous la douche : la façon qu’on a d’apprendre son code coche toutes les cases d’un apprentissage efficace !
- La motivation et la variété des supports, des façons d’aborder l’exercice du code, font que les ados sont volontiers attentifs et concentrés sur leur tâche.
- Ils sont actifs dans cet apprentissage, qui a d’ailleurs un lien fort avec leur quotidien: tous les jours, ils sont véhiculés et peuvent se représenter concrètement les situations qu’ils ont découvertes dans leur livre ou lors de leurs exercices d’entrainement.
- Ils bénéficient d’un entraînement régulier, entre séances de révisions et entrainements plusieurs fois par semaine. Leur apprentissage est donc encore une fois réactivé régulièrement, et ils s’exercent souvent.
- Ils ne se posent même pas la question de l’échec : ils savent qu’ils vont réussir, et ont confiance dans le fait qu’ils progresseront forcément. A ce moment-là, personne ne remettrait en cause la plasticité cérébrale, ils sont dans un état d’esprit de développement, comme on l’a défini plus haut. (Allez, j’admets ici qu’il doit y avoir des exceptions, bien sûr… mais en général on ne se comporte pas devant son questionnaire de code comme on se comporte devant une dictée ou un contrôle de maths).
On a parlé voitures, drague au volant et misères de la vie campagnarde… mais on a aussi parlé neurosciences cognitives, piliers des apprentissages et devoirs… tout ça dans une ambiance agréable et détendue : celle qu’il faut pour apprendre !
Et j’ai formulé pour eux, et pour tous les apprenants du monde, ce vœu ; « je te souhaite d’aborder tes examens comme tu abordes le code, sans te poser de questions, et avec la technique qui paie!
Cet article est la newsletter EduSens du 07/06/2022. Si tu as aimé et que tu veux recevoir les prochaines newsletters, inscris-toi ici !